Griffintown-Chapitre 10

Un bal au Victoria Rink

26 mars, dimanche soir

À la fin du repas chez Thomas Ryan, ce dimanche de la fin de mars, les invités s’étaient dispersés en trois groupes, comme le voulait l’étiquette. Les hommes, enveloppés dans une fumée légère de cigares, sirotaient leur whisky dans le salon où l’odeur chaude du bois brûlé se mêlait aux accents du cuir des fauteuils. Non loin, dans la cuisine, les deux femmes, avec la bonne, s’affairaient dans un ballet discret de vaisselle et d’éclats de voix étouffés. Quant aux deux jeunes filles, Thérèse (Miss Dupuis) et Shannon, elles s’étaient éclipsées dans la chambre de cette dernière à l’étage, loin du tumulte du rez-de-chaussée.

Les familles Ryan et Robinson entretenaient des liens depuis une décennie, scellés par le mariage de Robinson avec la veuve Rosalie Cadrin-Dupuis. Dès leur première rencontre, Thérèse, fille de Rosalie, et Shannon, alors toute jeune, s’étaient entendues à merveille. Thérèse, âgée de onze ans à l’époque, avait tout de suite pris Shannon sous son aile, bien qu’aucun lien de sang ne les unisse. Pour Shannon, Thérèse était devenue une sorte de grande sœur bienveillante, une confidente et un modèle. Le collège de la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame avait renforcé cette complicité, malgré les différences d’âge et de niveau scolaire.

Ce soir-là, comme à leur habitude, les deux jeunes filles s’étaient réfugiées dans la chambre de Shannon. La pièce, tapissée d’un papier peint fleuri légèrement fané, était un cocon de chaleur dans un manoir que le froid de la journée peinait à épargner. Elles étaient installées sur le lit recouvert d’édredons moelleux, d’un rouge profond, qui offraient un contraste chaleureux aux fenêtres où la neige fondue s’accumulait en minces bourrelets glacés. Le vent, bien que faible, sifflait parfois, glissant entre les cadres mal ajustés. Quelques chandelles vacillantes jetaient une lumière dansante sur leurs visages.

— Parfois, j’ai l’impression que tout change trop vite, avoua Thérèse en tirant sur le col de son châle de laine sombre, usé mais soigneusement entretenu. Sa voix, basse, portait une gravité rare chez une jeune femme de vingt ans.

Shannon, enveloppée dans une robe en flanelle bleue ornée d’un simple col blanc, se tourna vers elle avec un sourire léger. Ses cheveux blonds, tirés en un chignon flou, brillaient sous la lueur vacillante.

— Tu dis ça, mais toi, tu es déjà une femme. Moi, je suis encore une gamine pour tout le monde, fit-elle remarquer, son ton à la fois taquin et pensif.

Les conversations entre elles alternaient entre légèreté et confidences profondes. Elles parlaient des cours, des amies de collège, mais aussi des garçons qu’elles croisaient en ville ou à l’église, un sujet qui faisait toujours rougir Shannon et sourire Thérèse. Shannon, avec son allure vive et ses yeux clairs, attirait naturellement l’attention. Il émanait d’elle une gaieté solaire, même dans ces journées grises de mars.

Leurs rires s’élevaient parfois au-dessus du murmure du vent, remplissant la pièce d’une chaleur que les édredons seuls ne pouvaient offrir. Pourtant, au-delà de cette légèreté apparente, une certaine gravité planait dans l’air ce soir-là, comme si le monde extérieur, avec ses tensions et ses secrets, s’était glissé entre les murs épais du manoir.

— Il y a trop longtemps, Thérèse, dit Shannon, une pointe de reproche dans la voix.

— C’est vrai. Nous ne nous sommes pas vues depuis que j’ai quitté le collège. Cela fait trop longtemps, répondit Thérèse en hochant doucement la tête.

— Deux ans déjà… Tu es resplendissante.

— Merci, et toi aussi.

Shannon, assise bien droite sur le bord du lit, joignit ses mains sur ses genoux recouverts d’une robe de laine épaisse, d’un gris chiné qui rehaussait la lumière claire de ses yeux. Elle tourna vers Thérèse un regard curieux.

— Que deviens-tu donc, Thérèse ? 

— Je travaille pour un photographe, répondit Thérèse avec une apparente légèreté, bien qu’un éclair d’hésitation passa dans ses yeux.

— Ah bon ! Tu vas me prendre en photo alors ? Shannon souriait de toutes ses dents, ses boucles blondes encadrant son visage radieux.

— Si tu veux, répondit Thérèse avec un petit rire.

Mais celle-ci se garda bien de révéler à son amie sa véritable occupation dans l’équipe des détectives de la police de Montréal. Elle connaissait trop bien Shannon, dont l’enthousiasme effervescent aurait inévitablement déclenché une avalanche de questions, ce qu’elle voulait éviter à tout prix.

— Et toi, Shannon, comment ça va au collège ? reprit Thérèse, détournant habilement la conversation.

— Encore quelques années à tenir le coup, soupira Shannon, jetant un coup d’œil distrait à travers la fenêtre embuée. 

Dehors, le ciel bas et gris menaçait d’un crachin froid, tandis que des traces de neige fondue s’agglutinaient aux rebords.

— Mais tu es bien là-bas ? s’enquit Thérèse, en réajustant son châle de laine sombre sur ses épaules pour se protéger du froid qui semblait s’insinuer jusque dans la pièce.

— Oh, c’est certain. Je m’amuse bien, mais… j’ai hâte de trouver un mari. Et ce n’est pas au collège que cela arrivera.

— Tu as le temps… ne te presse pas, conseilla Thérèse en adoptant un ton calme et posé, bien qu’un sourire amusé effleura ses lèvres.

Shannon éclata d’un rire léger, secouant sa crinière dorée avec une grâce insouciante.

— Les Sœurs nous gardent serrées, comme tu le sais. Fréquenter un garçon est difficile. Tu sais que Sœur Marie de la Providence veille toujours au grain. Elle nous surveille comme le lait sur le feu.

— Cette chère Cerbère ! dit Thérèse, son sourire s’élargissant à ce surnom moqueur.

Elles appelaient la préfète de discipline « Cerbère », en référence au chien à trois têtes de la mythologie grecque, gardien des Enfers, empêchant les âmes d’en sortir pour revenir sur terre.

— Elle a des yeux partout, poursuivit Shannon, croisant les bras sur sa poitrine comme pour illustrer son point. Je ne sais pas comment elle fait.

Elles partirent alors d’un rire en cascade, un éclat qui résonna dans la pièce, dissipant pour un instant le froid ambiant et la grisaille du dehors.

— La seule qui est capable de lui échapper est Frasa, déclara Shannon avec un petit sourire malicieux.

— Frasa ? s’étonna Thérèse, fronçant légèrement les sourcils.

— Euphrasia, en fait, mais tout le monde l’appelle Frasa… Tiens, justement ! C’est la fille de M. D’Arcy McGee avec qui nous avons soupé ce soir.

— Sa fille ? Je croyais qu’il n’avait qu’une seule fille. Celle qui est restée à la maison parce qu’elle était malade.

— Ça, c’est Peggy, la cadette. Frasa est l’aînée. Elle vient au même collège que moi. Même si elle est plus jeune de quelques années, cela ne nous empêche pas d’être les meilleures amies du monde.

Thérèse haussa un sourcil, intriguée.

— Pourquoi n’est-elle pas avec nous ce soir ?

— Ça, je ne sais pas. M. D’Arcy McGee n’en a pas parlé.

Le vent froid s’insinuait légèrement à travers les interstices des fenêtres mal ajustées, produisant un léger sifflement. Les deux jeunes filles, bien installées dans la chaleur de la chambre, continuaient à papoter en ajustant les plis des édredons moelleux. Elles éclataient de rire en évoquant des anecdotes : des débordements d’acide dans les cours de chimie ou des compétitions de rhétorique où chacune cherchait à surpasser l’autre.

Thérèse, qui ne perdait jamais son instinct d’enquêtrice, saisit l’occasion pour en savoir plus.

— Alors, ton amie Frasa échappait au regard du Cerbère, dit-elle avec un sourire en coin.

— Oh, ce n’est pas la seule. Le pauvre Cerbère avait beau avoir des yeux tout le tour de la tête, nous étions bien malignes, répondit Shannon avec un rire complice.

Thérèse acquiesça en riant doucement.

— Ah cela, je le sais bien. J’ai encore de bons souvenirs des tours pendables que nous faisions aux Sœurs… Puis, Frasa ?

Shannon baissa légèrement la voix, comme pour ajouter une touche de mystère.

— Frasa est une bonne fille, plutôt timide, première de classe, qui était même la préférée des Sœurs… Jusqu’à tout récemment.

Thérèse redressa la tête, l’air intrigué.

— Ah bon ! Raconte.

— Elle avait changé depuis quelques semaines.

— Et comment cela ? Thérèse resserra son châle, attentive.

— Je ne sais pas trop. Elle était si gentille et joyeuse d’habitude. Puis elle est devenue… plus sérieuse.

— Plus sérieuse ! Qu’est-ce que tu veux dire par là ? insista Thérèse en arquant un sourcil.

— Je n’ai pas d’autres mots pour expliquer son attitude. Elle était souvent lunatique pendant les cours. Elle regardait par la fenêtre en rêvassant, au point où les religieuses devaient la rappeler à l’ordre.

Thérèse fixa Shannon, ses yeux pétillant de curiosité.

— Et cela faisait combien de temps qu’elle était ainsi ?

Shannon hésita un instant, cherchant ses mots.

— D’habitude, elle me racontait tout. Je voyais bien qu’elle était différente. C’est ma meilleure amie, tu sais, et je m’inquiétais pour elle. Depuis quelque temps, il fallait vraiment lui tirer les vers du nez. Elle a finalement consenti à me faire quelques confidences.

Thérèse se pencha légèrement en avant.

— Elle voyait un garçon, devina-t-elle avec un sourire en coin.

— Comment tu le sais ? s’exclama Shannon, surprise.

— Ben voyons ! J’ai eu son âge aussi. Les garçons sont capables de nous bouleverser comme jamais, dit Thérèse avec un sourire amusé.

Shannon hocha vigoureusement la tête.

— C’était son cas, effectivement… Et c’était très sérieux. Elle m’a confié qu’elle voyait un garçon. Ils s’étaient rencontrés lors du bal costumé du Mardi gras au Victoria Rink. Elle a eu le coup de foudre. Si tu savais comment elle m’en parlait. Elle m’a raconté leur rencontre… frappante. Elle patinait en regardant autour d’elle sans faire attention. Puis, elle ne l’a pas vu et elle est entrée en collision avec lui à toute vitesse. Il a basculé la tête la première.

Thérèse éclata de rire.

— C’est vraiment une drôle de façon de se rencontrer.

— À qui le dis-tu ! Quand il s’est relevé, il paraît qu’il n’était pas content et qu’il s’apprêtait à la disputer. Mais lorsqu’il a vu Frasa…

Shannon éclata d’un rire cristallin qui emplit la pièce.

— J’aurais aimé voir cela. Il l’a regardée et les patins ont glissé sous lui. Il s’est de nouveau retrouvé sur le derrière. C’était pourtant un très bon patineur. Elle avait tellement ri qu’il n’a pas pu faire autrement que de rire à son tour. Quand il s’est relevé, il lui a offert son bras. Ils ont terminé le bal ensemble… Un coup de foudre, je te dis.

Thérèse hocha la tête, un sourire en coin.

— Il semble bien que ce fut réciproque.

— Oh que oui ! Il paraît que le garçon n’avait d’yeux que pour elle.

Thérèse fronça légèrement les sourcils.

— Ils se sont revus ?

Shannon acquiesça avec enthousiasme.

— Ils cherchaient toutes les occasions de se revoir. Frasa lui avait dit où elle habitait. Il venait lancer des petites pierres à sa fenêtre lorsqu’elle était au manoir. Même s’il faisait encore froid et que la fenêtre était au premier étage. Elle s’habillait chaudement, enroulait un châle sur ses épaules, et se penchait à la fenêtre pour parler avec lui, tout bas pour que personne ne les entende.

— Ils se sont vus plusieurs fois alors ? demanda Thérèse en fixant Shannon avec intensité.

— Depuis un mois, sûrement. Ils se rencontraient tous les dimanches, à ma connaissance. Et il est même arrivé à Frasa de s’esquiver du pensionnat pendant la semaine pour aller le voir, répondit Shannon en jouant distraitement avec le bord de sa manche de laine épaisse.

— Le Cerbère ne s’en est pas aperçu ? Thérèse esquissa un sourire ironique en mentionnant la préfète de discipline.

— Évidemment qu’elle l’a remarqué ! Mais que voulais-tu qu’elle fasse contre un besoin aussi pressant qu’être avec son amoureux ? Elle a reçu quelques punitions, bien sûr. Mais cela ne changeait rien. Frasa disait qu’elle devait le voir, coûte que coûte.

Thérèse croisa les bras et réfléchit un instant, laissant le silence s’installer. Le bruit du vent, toujours aussi présent, semblait ponctuer leurs paroles.

— Quand elle sortait ainsi du pensionnat, as-tu su ce qu’ils faisaient tous les deux ? finit-elle par demander.

Shannon hocha la tête avec un sourire mélancolique.

— Elle était tellement amoureuse, pauvre Frasa. Elle me racontait tout dans les moindres détails. Ils allaient marcher jusqu’au Mont-Royal, main dans la main, traversant les bois encore dépouillés de leurs feuilles. Ils se bécotaient en chemin, chuchotaient des mots doux. Parfois, ils parlaient des oiseaux qu’ils entendaient. Lui disait : « C’est le chant du rossignol ». Elle rétorquait : « Non, c’est celui de l’alouette ». Tu vois, le genre de bêtises qu’on se dit quand on est amoureux.

Shannon fit une pause, ses yeux se perdant un instant dans le mouvement de la flamme vacillante des chandelles. Thérèse, quant à elle, scrutait son amie avec attention, pesant chaque mot.

— Je ne comprends pas pourquoi Frasa se cachait ainsi pour rencontrer son amoureux, reprit-elle enfin.

Shannon posa un regard grave sur elle.

— Elle avait de bonnes raisons, crois-moi.

— Lesquelles ? insista Thérèse.

— Le garçon est protestant.

Thérèse inspira doucement, son expression se durcissant légèrement.

— Ah, je vois !… D’Arcy McGee est un bon Irlandais catholique. Il n’aurait sûrement jamais accepté que sa fille sorte avec un protestant.

— Pire… Un Irlandais protestant.

Thérèse fronça les sourcils et secoua lentement la tête.

— Je comprends encore mieux. C’est très triste ! murmura-t-elle.

— Ce n’est donc pas étonnant de voir l’attitude de Frasa depuis quelques semaines. Elle est déchirée entre ses parents et son amour pour Rowan, dit Shannon avec une voix qui trahissait une réelle inquiétude.

— Rowan ? répéta Thérèse, légèrement surprise.

— C’est le nom de son amoureux.

— Rowan… Rowan comment ? demanda-t-elle, inclinant la tête.

— Elle ne connaissait même pas son nom de famille. Mais ça n’avait pas d’importance pour elle. Il faut la comprendre.

Un long silence s’étira, ponctué par le sifflement du vent qui semblait gronder plus fort, comme un écho des pensées troubles qui habitaient les deux jeunes filles.

— As-tu pu apprendre ce que Frasa voulait faire ? demanda Thérèse.

— Je sais qu’ils avaient des projets ensemble, répondit Shannon en serrant ses mains nerveusement. Ils voulaient partir à l’étranger, fuir pour vivre leur amour sans les obstacles qu’ils affrontaient ici. Elle rêvait de se marier avec lui, de faire sa vie à ses côtés, d’avoir des enfants et de vieillir avec lui. Elle me l’a dit tellement de fois… Ils étaient si amoureux.

Thérèse hocha lentement la tête, absorbant les paroles de Shannon.

— C’était donc très sérieux.

— Je le pense, oui… Et cela m’inquiète. Je ne vois pas comment tout cela peut se terminer autrement que dans le drame.

Thérèse fixa Shannon, son regard se faisant plus perçant.

— Le drame ?

— Oui. Ils n’accepteront jamais de se quitter et les parents des deux côtés n’accepteront jamais qu’ils soient ensemble. Comment veux-tu que cela se termine autrement ?

— Mais ils sont jeunes encore. Il y aura d’autres occasions pour chacun d’eux dans la vie, tenta Thérèse d’un ton apaisant.

— Pas pour Frasa, en tout cas. Elle ne voit que lui, répliqua Shannon, son visage s’assombrissant.

— Tu m’as dit qu’ils avaient des projets ensemble. Où en sont-ils maintenant ?

Shannon prit une inspiration, hésitant avant de répondre.

— C’est là que ça devient troublant, finit-elle par dire, la voix tremblante. Je n’ai plus de contact avec elle.

— Comment cela ? Elle ne veut plus te voir ? Elle t’en veut pour une raison ou une autre ? demanda Thérèse, une lueur d’inquiétude dans le regard.

— Non, ce n’est pas cela, répondit Shannon en secouant la tête. Depuis jeudi dernier, elle n’est plus au collège. Je ne sais pas où elle est.

Ses mots, teintés d’angoisse, étaient accompagnés d’une expression sombre qui envahit son visage.

— Ah bon ! fit Thérèse, interloquée, le souffle légèrement coupé par la nouvelle.

— Je croyais la voir ce soir avec son père, poursuivit Shannon. Mais elle n’est pas là, et son père n’en a même pas parlé au souper. Je ne sais pas trop ce qui se passe avec elle. Je suis inquiète, tu sais.

Un silence lourd s’installa, seulement interrompu par le grincement du vent qui faisait craquer les fenêtres. Les deux jeunes filles échangèrent un regard, chacune mesurant la gravité de la situation.

Après cette conversation prolongée à propos de la fille de D’Arcy McGee, Thérèse et Shannon dérivèrent sur des sujets plus légers, tentant de dissiper l’atmosphère pesante. Elles évoquèrent leurs souvenirs d’école, les potins du collège et même les maladresses des religieuses. Les rires légers finirent par illuminer la pièce, bien qu’une ombre demeure, tapie dans un coin de leurs pensées.

À l’extérieur, le vent se mit à hurler, s’élevant en rafales qui projetaient des flocons humides contre les carreaux. La chambre, pourtant bien chauffée par le feu crépitant dans le poêle d’angle, semblait soudain envahie par une froideur insidieuse. Thérèse sentit un frisson glacer son échine, mais elle savait que ce n’était pas uniquement dû au froid.

Cette histoire… quelque chose y résonnait de troublant, comme une note dissonante dans une mélodie. Elle jeta un dernier regard à Shannon, qui s’efforçait de masquer son inquiétude derrière un sourire.

— Nous éclaircirons ce mystère ensemble, lui promit Thérèse, en posant une main rassurante sur son bras avant de l’embrasser.

Thérèse ajusta son châle épais sur ses épaules avant de quitter la chambre. Tandis qu’elle descendait l’escalier de bois sombre, le murmure des conversations et l’éclat des rires lui parvenaient depuis la cuisine. Pourtant, ses pensées restaient ailleurs, alourdies par cette histoire troublante qui lui semblait enveloppée d’ombres.

Elle passa la main sur la rampe polie, son pas résonnant doucement dans le couloir aux murs ornés de portraits anciens. L’air du rez-de-chaussée, chargé des odeurs de bois brûlé et de whisky, lui apporta un peu de chaleur, mais ne dissipa pas l’inquiétude qui pesait sur son esprit.

Thérèse rejoignit sa famille dans la lueur vacillante des lampes à pétrole, emportant avec elle la promesse d’une vérité à découvrir, mais aussi le pressentiment qu’elle ne serait pas sans conséquence.